Fils de Richard Ruffier, ex-gardien notamment de Nîmes et Bordeaux et ancien international espoir, Romain est, dès son plus jeune âge, destiné à suivre les traces de son père. Il endosse donc le costume de portier pour les couleurs de l’AS Béziers. Préférant les sports individuels (tennis, judo), il trouve dans cette position la solitude à laquelle il aspire sur le terrain. Puis, dans sa quatorzième année, il effectue ses premiers essais : Montpellier tout d’abord, puis Lyon et Metz. Ce dernier décroche la timbale et fait signer dans son centre de formation le jeune espoir.
Après une année d’adaptation difficile (loin de sa famille et de la douceur du climat héraultais), Romain finit par s’accommoder à sa nouvelle vie, bien aidé par Jean-Claude Nadon, alors entraîneur des gardiens du centre. Les exercices quotidiens imposés sont extrêmement physiques et l’adolescent peine mais parvient finalement à satisfaire son préparateur, grâce à une grande force mentale : « Il arrivait parfois que j’en pleure le soir après l’entraînement, avoue t-il. Mais je n’ai jamais abandonné car je savais où je voulais arriver. ‘Quand on veut, on peut’. C’est ce que mon père, qui m’entraînait tous les soirs après les cours, m’a appris. »
Avec les 16 ans du FC Metz, il est sacré Champion de France dès sa première année bien qu’il ne joue que neuf matches avec l’équipe, Vincent Degré étant alors titulaire. Cette concurrence, Romain la vit toutefois bien, s’entendant parfaitement avec son homologue. Passé en moins de dix-huit ans, il change de coach particulier (Jean-Marc Rodolphe s’occupe désormais de lui) mais pas de situation. Cette fois, c’est une « concurrence saine mais difficile » qui règne avec Joris Delle.
Vient le 18 avril dernier, Yvon Pouliquen l’appelle : « Rendez-vous 15h45, tu pars avec nous à Auxerre ». Le voilà lancé dans le grand bain. Il raconte son épopée en Bourgogne : « Arrivé dans le bus, je me suis installé à l’avant, en vérifiant bien que je ne prenais la place de personne. J’étais assez impressionné même si je connaissais pas mal de jeunes de l’équipe comme Rudy ou Miré (ndlr : Gestede et Pjanic). Durant le voyage, j’ai commencé à m’intégrer et je me suis retrouvé à l’arrière du car. Une fois à l’hôtel, pendant le repas du soir, Sébastien Bassong a demandé la parole en cognant son verre et a annoncé que j’allai chanter ! J’ai du me prêter à la tradition et entonner Petite Marie de Francis Cabrel, devant les coachs et les autres joueurs. Mon intégration passait par là, et je l’ai fait avec plaisir. Le lendemain, nous nous sommes rendus au stade de l’Abbé Deschamps. C’était la sixième fois que je jouais face à Auxerre, toutes compétitions et catégories confondues ! Mais là, nous étions escortés par des policiers, ce à quoi je n’étais pas franchement habitué. Pendant que j’échauffais Christophe (Marichez), j’ai senti l’ambiance dans les tribunes et remarqué les caméras sur le bord du terrain : ça m’a donné une drôle de sensation. Ma bonne intégration dans l’effectif m’a permis de me rapprocher des autres, et pendant tout le match, je n’ai pas cessé de les encourager. Je m’imaginais même rentrer sur le terrain et prendre ma place dans les buts. Je m’y étais préparé physiquement et psychologiquement. »
Romain Ruffier ne rentrera finalement pas, mais cette expérience lui a certainement donné l’envie de redoubler d’effort. A l’image de Fabien Barthez, dont il admire le style de jeu et les dégagements rapides, il souhaite faire au plus vite la différence pour s’imposer l’année prochaine dans le groupe professionnel. « J’espère pouvoir m’entraîner régulièrement avec la CFA pour m’adapter au milieu professionnel, et pourquoi pas jouer un ou deux matches en Ligue 2. » Même s’il devrait y avoir à nouveau beaucoup de prétendants au poste de gardien. « Certes, j’ai moins d’expérience que les autres et je ne suis pas sélectionné en équipe de France des 17 ans. Mais c’est à moi de faire mes preuves. Cela ne me pose pas de problème. Depuis que je suis arrivé, j’ai toujours dû passer par là. » En dehors des terrains, Romain n’a pas abandonné les études et passé son bac (scientifique) l’année dernière. Il suit encore des cours d’Anglais régulièrement, conscient que « tout peut s’arrêter du jour au lendemain. » Un mélange d’ambition et de lucidité. Deux vertus pour un gardien de but.