Koffi, vous avez vécu en Côte d’Ivoire jusqu’à vos 18 ans. Quel rôle à jouer le football durant les premières années de votre vie ?
Koffi Kouao : « C’est bien simple, le football m’a permis de m’en sortir. J’ai été éduqué par ce sport puisque j’ai quitté le foyer familial très tôt pour vivre en compagnie de mon oncle. C’était compliqué à vivre, car j’étais souvent loin de ma famille, mais je n’ai pas le droit de me plaindre. Au contraire, je tiens à remercier le football de m’avoir aidé à devenir ce que je suis aujourd’hui. »
Comment s’est déroulée votre enfance ?
K.K. : « Je n’ai pas eu la chance de vivre chez mes parents car nous étions neuf enfants et nous n’avions pas assez de place à la maison. Très jeune, j’ai été obligé d’aller travailler pour pouvoir me nourrir. Souvent, j’avais envie de dormir, mais si je dormais, je mangeais quoi le lendemain ? C’était très dur, je faisais de la maçonnerie ou encore de la pêche, mais cela m’a aidé à grandir ! »
Vous avez été formé en Côte d’Ivoire, à l’ASEC Mimosas. Comment êtes-vous tombés sous les radars de cette académie réputée ?
K.K. : « Ah… (ému). C’est la première fois qu’on me pose cette question. C’est une histoire assez folle… »
Pouvez-vous nous narrer cela ?
K.K. : « Il faut déjà savoir que mon papa est menuisier et il avait un chantier dans un supermarché de la région. Un jour, le patron de ce supermarché appelle mon papa afin de demander si mon frère, qui est pêcheur, pouvait lui pêcher des langoustes fraîches. J’ai ensuite accompagné mon papa au supermarché. Nous avons marché pendant deux heures pour déposer les langoustes. Sur place, il m’a présenté en disant que je me débrouillais pas mal au football. »
Mais, comment ce patron d’un supermarché a pu jouer un rôle dans votre entrée à l’ASEC Mimosas ?
K.K. : « C’est simple, sans cette histoire de langoustes, je ne serai pas là où je suis aujourd’hui. Ce monsieur était l’un des partenaires de l’Académie et suite aux propos de mon papa à mon égard, et sans même chercher à savoir si j’avais vraiment des qualités de footballeur, il a appelé Benoît You, le directeur général de l’ASEC Mimosas afin de lui parler de moi. »
Et ce dernier vous a donc recruté au sein de l’Académie en se basant uniquement sur les propos du directeur du supermarché ?
K.K. : « Non, il m’a fait passer un premier essai. Benoît You est venu me rencontrer à Assinie-Mafia, le petit village où j’habitais et nous avons joué quelques minutes au football sur la plage. Par la suite, il m’a offert la possibilité de faire une année d’essai à l’ASEC Mimosas. »
Quel était votre quotidien durant cette année d’essai ?
K.K. : « Deux fois par semaines, je devais me rendre à Abidjan pour participer aux essais qui démarraient à 7h30. Il y avait plus de deux heures de route pour me m’y rendre, je devais donc me lever à 4h00 du matin. Heureusement, mon oncle avait une voiture. Je lui dois énormément et les mots ne suffiront jamais assez pour le remercier. Surtout que c’était tellement de dépenses… Sur les terrains, j’ai longtemps joué pieds nus car j’ai toujours été habitué comme ça. Un jour mon oncle m’a offert des crampons, mais j’ai eu beaucoup de mal à m’y faire. Je n’arrivais pas jouer avec. »
Une fois la séance d’entraînement terminée, quel était votre programme ?
K.K. : « La séance se finissait vers 9h30. Ensuite, je devais attendre la fin de la journée de travail de mon oncle jusqu’à 20h avant de pouvoir rentrer à la maison. Pendant ce temps, j’errais dans Abidjan, je cherchais des coins pour m’asseoir ou j’allais au supermarché afin de pouvoir manger. À 13 ans, c’était vraiment compliqué et extrêmement dur à vivre. Pour être honnête, j’ai souvent eu l’envie d’abandonner. »
Quel rôle jouez vos parents durant cette période ?
K.K. : « Mon papa était très fier et me donnait des conseils pour que je réussisse. En revanche, ma maman, n’était pas du tout ravie. Elle ne souhaitait pas que je fasse ces essais et préférait que j’aille à l’école car j’avais de très bons résultats. Pendant des mois, elle était en colère et on ne se parlait plus. Elle se demandait ce que j’allais faire de ma vie si l’essai n’était pas concluant. »
Aujourd’hui, quels sont les mots de votre maman lorsqu’elle évoque votre parcours ?
K.K. : « Elle est très heureuse. C’est la personne dont je suis le plus proche, mais elle ne m’a jamais vu jouer un seul match. Elle a peur que je me blesse, que je prenne un coup. Elle me protège beaucoup et n’a pas envie de me voir souffrir. Même au village, elle ne voulait pas que je joue au football, car souvent je me coupais les pieds et c’est elle qui me soignait car nous n’avions pas assez d’argent pour aller chez le médecin. Nous nous appelons très souvent, surtout que je suis le dernier garçon de la famille, donc je suis un peu le chouchou (rires). J’espère qu’un jour elle regardera l’un de mes matches. »
Quand vous regardez dans le rétroviseur. Quel regard portez-vous sur votre parcours de vie ?
K.K. : « Souvent, quand j’y pense, j’ai les larmes aux yeux (ému). J’ai vécu autant de moments de galères que je me dois de profiter de chaque moment. La vie est belle, alors pourquoi se plaindre ? L’endroit où je suis le plus heureux se situe sur le terrain, c’est la raison pour laquelle je suis toujours aussi joyeux au quotidien. »