Alors que les amateurs de ballon rond auront mercredi soir les yeux rivés sur le déplacement des Parisiens à Barcelone, nombreux sont les médias qui, en attendant, relatent l’exploit du FC Metz face aux Blaugranas en 1984. Personne en France n’a donc oublié cette prouesse en Coupe d’Europe qui marquera à jamais l’histoire du club grenat et du football français. Retour sur cette performance hors du commun.
Menacé de dépôt de bilan en début de saison, le FC Metz réussit l’exploit de remporter la Coupe de France face à l’AS Monaco en 1984 (2-0 après prolongations). Les Messins inscrivent ainsi une première coupe à leur palmarès, plus de cinquante ans après la création du club. Ils obtiennent dans la foulée un précieux ticket pour l’Europe. Après avoir été prématurément éliminés face à Naples (1969-1970) et Hambourg (1968-1969) en Coupe de l’UEFA, les Grenats obtiennent à nouveau le privilège de se frotter aux plus grands clubs du Vieux Continent. Cette fois, ils vont participer à la Coupe des Vainqueurs de Coupes.
Le moins que l’on puisse dire est que le tirage au sort des 1/32e de finale de la compétition leur réserve un adversaire de choix : le FC Barcelone. A moment-là, le club catalan compte neuf titres de Champion d’Espagne ou encore quatorze Coupes d’Espagne. A l’époque déjà, les Espagnols ne jouent vraisemblablement pas dans la même cour que les Lorrains qui viennent, eux, d’inscrire une deuxième ligne à leur palmarès, après un titre de Champion de France de Deuxième Division en 1935. « Les deux clubs n’étaient pas sur la même planète, confirme Carlo Molinari. Il n’y avait rien à comparer entre ces deux équipes. » Autant dire que les bookmakers d'alors ne vendent pas cher la peau des hommes de Marcel Husson face aux Blaugranas.
Metz – Barcelone : le scénario catastrophe
Le premier acte de la confrontation entre les deux formations que tout oppose se déroule au Stade Saint-Symphorien. Mais les joueurs de l’époque, comme le public messin, ne gardent pas franchement un souvenir impérissable de cette opposition. Il faut dire que la rencontre ne débute pas sous les meilleures auspices. Au bout de dix minutes de jeu seulement, Luc Sonor ouvre le score pour… le FC Barcelone, en inscrivant un but contre son camp (0-1, 12°). Sonnés, les Messins ne tardent pas à reprendre leurs esprits car ils ont à cœur de réaliser une belle performance devant leurs aficionados. Leurs belles intentions débouchent finalement sur une égalisation de Toni Kurbos, juste avant la pause (1-1, 44°). De quoi réchauffer l’ambiance de Saint-Symphorien, où 22 000 supporters se sont déplacés pour cette affiche sans précédent en Lorraine.
Mais tous ces efforts sont malheureusement anéantis quelques instants plus tard. Dès la reprise, les Grenats s’effondrent et encaissent trois buts en moins de vingt minutes : Schuster (1-2, 47°), Calderé (1-3, 53°) puis Carrasco (1-4, 64°). En fin de rencontre, les Mosellans sont impuissants face à la rapidité et la technique des artilleurs espagnols. Un pénalty transformé par Jean-Philippe Rohr permet toutefois de réduire la marque (2-4, 85°). « J’étais en colère au coup de sifflet final, raconte Carlo Molinari. Nous n’étions vraiment pas dans un bon jour et je pense qu’à cause de sa jeunesse, l’équipe était tétanisée sur le terrain, certainement impressionnée par l’image et la notoriété du Barça. »
Difficile à cet instant pour les Messins de nourrir de grands espoirs quant à leur avenir dans cette compétition. Alors qu’ils entrevoient déjà leur élimination, les vedettes barcelonaises estiment, elles, avoir fait le plus dur et pensent déjà à leur futur adversaire. L’excès de confiance n’épargne pas les Blaugranas, mais les Grenats n’ont pas dit leur dernier mot. Carlo Molinari et Marcel Husson décident d’envoyer Jean-Paul Bernad, capitaine de l’équipe et suspendu en Championnat de France, superviser le FC Barcelone dans son antre.
Inutile de préciser à quel point le club adverse s’étonne alors de la visite d’un observateur lorrain, tant l’histoire semble écrite d’avance. « Avec Marcel, nous pensions que nous pouvions nous en sortir la tête haute et décrocher une victoire au Camp Nou, se remémore l’ancien président emblématique du FC Metz.Nous ne pensions pas forcément à une qualification, mais à quitter la compétition sans avoir à rougir. Lors du match aller, nous leur avions donné trois buts sur quatre et la différence dans le domaine technique n’était finalement pas si flagrante. Nous avions deux fusées en attaque, à savoir Kurbos et Hinschberger, tandis que la charnière centrale espagnole était particulièrement lente. Il y avait quelque chose à faire à Barcelone. »
Barcelone – Metz : l’exploit historique
Les amateurs du ballon rond sont, eux, bien plus pessimistes sur le sort des Grenats. D’ailleurs, quasiment aucun média français ne daigne se déplacer au pays de la corrida pour couvrir la rencontre. « Seul un journaliste de presse écrite, du Républicain Lorrain, et un reporter de France Inter avait fait le déplacement, se souvient Carlo Molinari. Notre arrivée à Barcelone s’est faite dans la plus stricte intimité ». Si elle avait attiré foule au match aller, la rencontre au Camp Nou est boudée par les Espagnols : le stade est clairsemé, et seules 24 000 places sur les 90 000 sièges disponibles ont trouvé preneur.
L’entame de match donne raison à tous ceux qui ont enterré le club à la Croix de Lorraine trop tôt, puisque Carrasco, déjà buteur à Metz, ouvre la marque pour les siens (1-0, 33°). Désormais, Metz doit marquer quatre buts pour espérer se qualifier, ce qui paraît absolument impensable. Mais impossible n’est pas Grenat, surtout pas lors de cette inoubliable et folle soirée du 3 octobre 1984.
Snobés par un adversaire sûr de lui, les Mosellans sont piqués au vif. Toni Kurbos se déchaîne et, une nouvelle fois, il permet au FC Metz de revenir à égalité (1-1, 38°). Dans la foulée, la malchance qui a frappé Luc Sonor et les siens au match aller s’abat cette fois sur Sanchez qui donne l’avantage aux Grenats en marquant contre son camp (1-2, 39°).
Au retour des vestiaires, les Messins doivent inscrire deux buts pour espérer se qualifier, et c’est à ce moment-là que débute le festival de Toni Kurbos. Le feu follet ne tarde pas à inscrire un doublé (1-3, 55°), et, alors que les socios de Barcelone ont déjà quitté le Camp Nou, le Messin signe finalement un triplé (1-4, 85°) face à des Barcelonais, abattus, au terme d’un match fou. Les Grenats se qualifient pour les 1/16e de finale de la Coupe des Coupes pour la première fois de leur histoire, un véritable exploit dont n’a jamais douté le président de l’époque, conscient des qualités de sa formation. « On avait confiance en cette équipe, on savait que ces garçons avaient du cœur et qu’ils étaient fort mentalement et techniquement. C’était une équipe de haut niveau. »
La folle épopée des Lorrains fait le tour de l’Europe - même si elle fut interrompue en 1/16e de finale par les Allemands de Dresde - mais pas seulement. Cet exploit face au Barça a également un retentissement en Amérique Latine où les Barcelonais sont extrêmement populaires. Pour l’anecdote, alors que les Grenats se rendent en tournée au Mexique l’année suivante, le club messin y est présenté sur les affiches comme le tombeur du FC Barcelone, alors que le nom "FC Metz" n’apparaît qu’entre parenthèses ! Carlo Molinari retient également que cette qualification, et notamment la couverture médiatique quelque peu tardive mais néanmoins importante, a « permis à ce que l’on prononce enfin Metz à la française, et non plus à l’allemande ! »
Metz – Barcelone : 2-4
1/32e de finale aller de la Coupe des Vainqueurs de Coupes
Mercredi 19 septembre 1984
Stade Saint-Symphorien
Buts pour Metz : Kurbos (44°), Rohr (85°, sp) ; Buts pour Barcelone : Sonor (12°, csc), Schuster (47°), Calderé (53°), Carrasco (64°).
L’équipe messine : Ettorre, Colombo (Lowitz, 62°), Zappia, Barraja, Sonor, Rohr, Bracigliano, Bernad, Hinschberger (Deza, 77°), Kurbos, Bocandé. Entraîneur : Marcel Husson.
Barcelone – Metz : 1-4
1/32e de finale retour de la Coupe des Vainqueurs de Coupes
Mercredi 3 octobre 1984
Camp Nou
Buts pour Metz : Kurbos (38°), Sanchez (39°, csc), Kurbos (55°), Kurbos (85°); But pour Barcelone : Carrasco (33°).
L’équipe messine : Ettorre, Lowitz, Zappia, Barraja (Pauk, 60°), Sonor (Colombo, 52°), Rohr, Bracigliano, Bernad, Hinschberger, Kurbos, Bocandé. Entraîneur : Marcel Husson.