L’essence même de la Coupe de France, ce sont eux. Ces clubs amateurs qui, depuis cent ans, parviennent régulièrement à décrocher des victoires improbables et à réaliser des parcours fantastiques, reléguant au placard des fioritures inutiles toutes les statistiques et autres pronostiques. C’est cela, la magie : quand l’inimaginable prend le pas sur le raisonnable, quand l’inespéré se produit au mépris de l’envisagé. C’est cela avant tout, la Coupe de France.
Mais cela n’a pas toujours été le cas. Lorsque les matches se déroulaient sur terrain neutre, avec rencontre à rejouer en cas d’égalité à la fin du temps réglementaire, ou quand les matches aller-retour sont entrés en vigueur à partir des 1/32e de finale, il fut souvent plus difficile pour ces équipes « du football d’en bas » de faire leur trou dans cette compétition. Dans ce contexte, 1989 a certainement sonné pour ces dernières le top départ d’ambitions retrouvées : fin des matches retour, déroulement des rencontres sur le terrain du premier tiré au sort et même, pour forcer le suspense, sur le terrain du plus petit des deux clubs sous réserve d’un écart minimal de deux niveaux (ou deux divisions, selon l’ère du temps).
Prenons donc cette date pour lancer notre état des lieux. Durant ces vingt-deux dernières années de Coupe de France, le FC Metz a plus qu’apporté son écot à cette logique de coupe. Depuis 1989, le Club à la Croix de Lorraine a en effet affronté vingt-deux clubs issus des championnats amateurs, du National à la DHR. Afin de respecter la dénomination exacte, nous avons volontairement exclu de cette analyse les quelques clubs de National disposant encore du statut professionnel au moment de la confrontation.
Pour quels résultats ? Pour un peu de magie et, heureusement pour les supporters messins, beaucoup de réalisme. En vingt-deux confrontations, seules quatre défaites sont venues émailler le parcours des Grenats en Coupe de France, dont une seule au bout du temps réglementaire. Quitte à se faire éliminer parfois au tour suivant par une plus grosse écurie, mieux vaut avant tout mettre le paquet sur ces matches-là : quand l’humiliation est évitée, l’honneur est au moins sauf.
Car voilà tout l’enjeu bancal de ces rencontres : quand les clubs amateurs y ont tout à gagner, la qualification mais surtout les honneurs et les feux de la rampe, leurs homologues professionnels y ont tout à perdre, leur réputation et leur orgueil en tête de liste. Parce qu'on a beau jeu de faire comme si personne ne s’y attendait, quand dans les faits tout le monde n’attend que cela : que le « gros » se fasse manger par le « petit ».
Le FC Metz, bien lui en a pris au cours de ces deux décennies, n’a pour l’instant que peu été victime de ce couperet douloureux. L’une des rares fois où il a dû s’incliner pour laisser sa place à un plus petit que soi, c’était paradoxalement à une période où lui-même surfait en haut de la vague du football français. Beaucoup doivent s’en rappeler : la défaite 2-0 à Bourg-Péronnas (CFA), alors que le FC Metz était leader de D1 lors de la saison 1997/1998, avait même eu les honneurs du journal de Claire Chazal. Mais c’était une autre époque.
Depuis qu’il fréquente les pistes de la Ligue 2, le club grenat a eu bien plus souvent l’occasion de se frotter aux crampons piquants des joueurs amateurs. Parce qu’en Ligue 2, vous avez le privilège d’entrer en compétition deux tours plus tôt que vos grands frères de Ligue 1. Ces cinq dernières années, Metz a affronté huit clubs non professionnels (1 issu de DHR, 2 de DH, 4 de CFA et 1 de National) pour une seule défaite : c’était aux tirs-au-but à Colmar, en 2009/2010. Même si les succès sont parfois extraits aux forceps (deux victoires aux tirs-au-but et deux après prolongations en cinq ans), l’essentiel est alors fait : la qualification acquise, les médias n’en font pas un pataquès et tout le monde peut sereinement reprendre le cours de son championnat, sans séquelle traumatisante.
Depuis 1989, l’opposition des Messins à des clubs amateurs s’est soldée à 82 % par la qualification de l’équipe la plus forte « sur le papier », comme on dit. De quoi relativiser quelque peu la magie de la Coupe de France. Sauf que voilà bien la nature même de cette Coupe : bousculer les statistiques et faire voler en éclats les séries. Surtout, ô oui surtout, quand à cette confrontation pro/amateur se superpose la brillance d’un derby. Le derby du prestige, pas celui, peut-être moins clinquant mais tout aussi disputé, qui se joue deux fois par an entre une équipe fanion et une équipe réserve.
Les Messins sont prévenus : les joueurs du CSO Amnéville donneront tout ce qu’ils ont pour un match qui sera peut-être l’un des plus importants de leur saison… Aux Grenats de savoir instiller à cette rencontre les ingrédients qui ont souvent fait réussir leurs aînés dans ces confrontations bien périlleuses.
Bilan des confrontations entre le FC Metz
et des clubs non-professionnels en Coupe de France
1989-2011
AP : victoire ou défaite après prolongations
TAB : victoire ou défaite aux tirs-au-but