Chassé croisé au dessus de la mer méditerranée. Quand Olivier Perrin, l’entraîneur des 19 ans messins, se rend à Dakar afin d’évaluer les effectifs de ‘Génération Foot’, Mady Touré fait le chemin inverse. Le père de la l’académie sénégalaise a rencontré récemment Roger Djellal, conseiller technique d’Eric Besson, à Paris. C’est l’une des étapes de son parcours auprès des institutions, qu’il doit convaincre du bien fondé de son entreprise. « Nous avons l’aval du président sénégalais ainsi que du ministre des sports et du ministre de la formation professionnelle, se réjouit-il. L’état sénégalais nous soutient. » Une fois à Paris, passer par Metz, destination privilégiée des garçons qu’il forme depuis le Sénégal, n’est qu’un saut de puce pour ce globe trotter. Et pour nous l’occasion de faire un tour d’horizon des avancées de ce projet aux multiples facettes.
Mady, où en sont les travaux débutés il y a plusieurs années* ?
Mady Touré : « Nous progressons petit à petit. Le terrassement nous a coûté très cher car il y avait des dunes ! Mais nous respectons le canevas que je m’étais fixé. Ma priorité était de disposer des trois terrains de jeu. C’est chose faite aujourd’hui, nous pouvons nous entraîner correctement. Et si les bureaux ne sont pas encore utilisables, nous avons déjà déménagé notre administration dans des maisons que nous avons pu louer aux alentours. Aujourd’hui, on peut dire que nous sommes opérationnels, bien que j’estime à 40% l’avancée des travaux. Cela prend du temps car il faut trouver en parallèle les financements ! Les prochains chantiers sur notre planning sont l’hébergement et le bloc restauration. »
Pouvez-vous nous donner un aperçu de ce que coûte ce projet et de la façon dont vous le financer ?
M.T. : « Le coût total est de 2,8 millions d’euros. Nous avons réussi à réunir entre 800 000 et 900 000 euros, ce qui nous a permis de mener à bien les premiers travaux. Je remercie Youssou N’Dour, notre parrain, qui s’investit corps et âme à nos côtés. Il a financé un ‘trèfle’ (les bâtiments dédiés à l’hébergement sont en forme de trèfle et pourront accueillir jusqu’à 32 jeunes joueurs). Je ne regrette pas d’avoir fait appel à lui. Bien que son calendrier soit très chargé il m’accorde toujours du temps pour m’écouter. Babacar Gueye a fait de même, je le félicite car il montre l’exemple. Ce n’est pas le professionnel qui gagne le plus d’argent mais il nous aide. J’ai l’accord de Papiss Cissé et Emmanuel Adebayor, qui vont l’imiter. Le FC Metz nous accompagne également bien entendu et je l’en remercie. Bernard Serin est dans la même optique que Carlo Molinari, pour qui chacun sait que j’ai une grande affection. Petit à petit, nous y arriverons. L’union fait la force ! »
« Le sens du partage est très important »
Outre son rôle sportif, l’académie a d’autres vocations. Pouvez-vous nous en parler ?
M.T. : « Notre centre est situé à proximité d’un village qui s’appelle Dany Biram. Et nous avons participé à la vie de celui-ci, avec nos maigres moyens, en installant un puits ou en mettant à disposition notre camionnette en cas d’urgence. Pour moi, le sens du partage est très important. Nous sommes une famille. La fondation a une vocation sociale. Je veux donner à tous ces enfants une vie meilleure. C’est dans ce sens que j’ai voulu associer l’éducation au football. Nous travaillons à la mise en place de formations professionnelles, qui seront dispensées dans nos locaux. »
Quel type de formation souhaitez-vous proposer aux joueurs ?
M.T. : « Une formation professionnelle, dans les domaines de l’électricité, la menuiserie, la plomberie, les métiers du bâtiment. Au Sénégal beaucoup de garçons abandonnent l’école pour tenter leur chance dans le football. Il n’est pas évident de les remettre dans une salle de cours. Mais sur deux joueurs qui parviendront à signer un contrat de joueur pro, il y aura peut être à côté cinquante autres qui ne réussiront pas. Tout le monde ne peut pas jouer en Ligue 1. Je veux que ceux qui échouent sportivement aient un bagage qui leur permette de réussir dans la vie. S’ils jouent en amateur et qu’ils ont un travail à côté, nous pourrons déjà nous féliciter. Pour le moment nous donnons des cours d’Anglais, de mathématiques, d’informatique et de Français. Tout cela vient petit à petit, on ne peut pas tout faire d’un coup de baguette magique ! »
« Nous pourrions prétendre à intégrer un championnat professionnel »
Comment vit le Centre de Formation au quotidien ?
M.T. : « Tous nos collaborateurs sont bénévoles. Ils touchent des indemnités liées à leurs déplacements. C’est une règle que j’ai réussi à instaurer. Je ne les remercierai jamais assez. Cela fait dix ans que nous fonctionnons comme cela, grâce à l’engagement de tous. J’espère pouvoir un jour récompenser toutes ces personnes qui s’investissent, quand le centre sera terminé et que nous aurons plus de moyens. Je reste confiant. Nous sommes très croyants au Sénégal. Ce jour arrivera. »
Sportivement, où se situe l’équipe fanion de ‘l’AS Génération Foot’ ?
M.T. : « Nous allons participer la saison prochaine au championnat national ! C’est la troisième division de notre pays. Cela confirme notre progression. Nous avons débuté en DH il y a cinq ans et depuis, nous tenons nos objectifs. Nous pourrions prétendre à intégrer un championnat professionnel, nous remplissons toutes les conditions nécessaires. Mais je ne veux pas bruler les étapes. Si nous devons atteindre ce niveau, ce sont nos résultats qui nous le permettront. Notre façon de procéder est celle d’un Centre de Formation : nous surclasserons tous nos joueurs. Ainsi les plus âgés joueront en catégorie sénior, à l’image de l’équipe B du FC Metz en CFA2. »
* L’académie Génération Foot a entrepris la construction d’un véritable Centre de Formation en périphérie de Dakar. Le site proposera des structures d’hébergement dédiées aux jeunes joueurs, des salles de cours et des locaux destinés à l’administration, offrant une unité de lieu avec les pelouses d’entraînement.