Lundi après-midi, Christophe Walter a participé à une opposition lors de la séance d’entraînement des Grenats, pour la première fois depuis son opération du genou. Un événement, puisque le jeune milieu n’a pas joué la moindre rencontre officielle depuis deux saisons. Affamé de ballons, il a confisqué le cuir, aux dires de ses partenaires, pendant cette demi-heure de plaisir. « Je retrouve le jeu collectif, sourit-il. C’est une bonne surprise, car cela ne devait pas être aussi rapide. » « Christophe a réintégré partiellement le groupe, tempère Jeremy Moureaux. Il reste en phase de remise en condition. Toucher le ballon est une bonne chose pour lui. Aujourd’hui, la séance était basée sur l’explosivité, il a pu y participer. Cela faisait très longtemps qu’il n’avait plus fait ce type d’exercices. Malgré cela, il n’est pas encore complètement apte à jouer. Il lui reste pas mal d’inhibitions à lever. » Peu importe, en fin de compte, car Walter est incontestablement plus près de la fin que du début de ses souffrances. Qu’il foule aujourd’hui la pelouse en compagnie de ses coéquipiers est en soit déjà une victoire. La traversée du désert qu’il est en passe d’achever s’apparente en effet à un véritable parcours du combattant qu’on pourrait aisément intituler « les 10 travaux de Christophe Walter ». Retour sur les épreuves traversées par le jeune Messin.
Les épreuves morales
1. La rupture du LCA
Tout commence au Stade de Reims, où Walter est prêté au cours de la saison 2004/2005 dans le but d’augmenter son temps de jeu. Tandis que le FC Metz, dirigé alors par Jean Fernandez, parvient à se maintenir pour la deuxième fois consécutive, il termine une saison mi-figue mi-raisin en Ligue 2, où son entraîneur l’utilise avec parcimonie. A l’heure où il s’apprête à rejoindre la Lorraine, ses bagages ficelées, on propose à Christophe un dernier match pour Reims. « C’était le 29 mai 2005, se souvient-il encore aujourd’hui. On m’a demandé de venir renforcer l’équipe B, qui jouait la montée lors de son ultime rencontre de championnat de Division d’Honneur. J’y suis allé, mon genou a lâché au bout d’une heure. Je n’ai aucun remord par rapport à cela, c’est mon métier et le match comportait un enjeu. » Reims a gagné son accession en CFA2, il est rentré à Metz en béquilles…
2. Un an pour rien
En tout, l’absence des terrains de Walter, émaillée de complications qui lui valurent de repasser sur le billard, aura duré presque deux ans. « J’ai effectué une première période de rééducation au cours de laquelle j’avais essayé de reprendre, indique-t-il. Mais j’avais un déficit au niveau de l’amplitude. » Au bout d’un an, il consulte le docteur Jager. « Il m’a proposé deux solutions. Soit on ne touchait rien et ce serait difficile pour moi de rejouer au haut niveau, soit on recommençait à zéro. J’avais tellement souffert pendant un an que je me suis dit que c’était la bonne solution de tout remettre à plat. » Et de repartir pour une nouvelle phase de rééducation et de remise à niveau de plusieurs mois, après une autre intervention chirurgicale.
3. Combattre le doute
Au cours de cette période, Christophe a eu le temps de gamberger. « Le moment le plus dur, explique-t-il, est celui où l’on réapprend les gestes simples. Pendant les trois premiers mois, on ne fait quasiment rien. Lorsqu’on arrive pas à plier le genou et qu’on regarde un match de foot, on se demande comment on va réussir à faire ce que les 22 joueurs font sur le terrain. » A ses côtés, Dino Djiba et Bruno Pompière l’ont souvent accompagné. Pendant que les trois hommes se refont une santé, celle du FC Metz se détériore. Le club descend en Ligue 2 et la remontée se prépare sans eux.
4. Supporter la mise à l’écart
Un joueur subissant une blessure ressent naturellement un sentiment de mise à l’écart, son quotidien, rythmé par les séances d’entraînement en groupe, étant de fait totalement bouleversé. Dans le cas de Walter, celui-ci s’est atténué depuis le début de l’exercice en cours. « Tout au long de la saison 2005/2006, j’ai véritablement ressenti cette solitude, le fait d’être laissé de côté. Mais depuis l’été dernier, ce n’est plus du tout le cas. Le groupe est tellement sympa. Nous nous connaissons, pour beaucoup, depuis que nous sommes au Centre de Formation. D’entrée, chacun a fait en sorte que je participe à la vie du groupe. Moralement, j’étais bien car personne ne m’a lâché. C’était deux fois plus facile. »
Christophe Walter face à Benoit Pedretti, en 2003
Les épreuves physiques
5. La rééducation
A l’issue de la période d’immobilisation qui suit l’opération, Christophe suit un programme classique de rééducation. Cette première phase consiste à retrouver l’usage normal de son genou en effectuant des exercices simples de mobilité. Vient ensuite la seconde phase, qui consiste à recouvrir sa force, sa puissance ; à remuscler les zones qui ont perdu leur capacité. Cela passe par des séances de musculation. « J’ai principalement utilisé le ‘Biodex’, une machine qui permet de travailler sa force en indiquant les progrès effectués. Les charges sont calculées afin qu’il y ait une évolution progressive. C’est sans doute celle-ci qui m’a le plus fait souffrir. » Autre engin de torture, la ‘chaise à quadriceps’, que le nom suffit à décrire. Voilà, entre autres, ce qui occupait Christophe de 9h à 16h, tous les jours.
6. La phase 3, avec Luc Labeeu
Une fois la rééducation terminée, il s’agit, aux dires de Jeremy Moureaux, de « refaire d’une personne quelconque un sportif ». Dans un premier temps, c’est le kiné Luc Labeeu qui prend en charge le convalescent. « Son action tient pour moitié du domaine médical, pour moitié de la préparation physique, précise Walter. On fait uniquement du foncier, parfois agrémenté de ballon mais c’est principalement de la course. Cela permet de tester la capacité à enchaîner les séances. » « On reprend le travail actif en décharge puis en charge*, développe Labeeu, afin de parvenir tout doucement à l’entraînement athlétique. Au fur et à mesure, j’augmente la durée des courses, leur intensité, leur fréquence. Au bout d’une semaine, le joueur doit pouvoir faire une heure de footing. Lors de la deuxième semaine, on passe à des séquences courtes mais répétées. Ensuite, on constitue des circuits d’adresse avec des prises d’appuis, on ajoute le ballon, des passes courtes, longues… » Voilà pour le matin, l’après-midi est dédié au renforcement musculaire. En marge, le joueur peut solliciter des soins pour faciliter sa récupération. Pour Walter, cette étape a duré un mois.
7. La phase 4, avec Jeremy Moureaux
C’est l’ultime marche avant le retour définitif à l’entraînement avec le groupe. Christophe Walter ne l’a pas encore totalement franchie. « Il ne peut pas supporter du jour au lendemain toutes les séances d’entraînement, prévient le préparateur physique des Grenats. Je pense qu’il restera en partie avec moi cette semaine et la semaine prochaine, et nous ferons certainement des séances supplémentaires jusqu’à la fin de la saison. Il doit continuer à travailler le foncier parallèlement aux séances classiques. » Dans les jours à venir, Moureaux prévoit de lui proposer des exercices encore plus spécifiques « pour qu’il se réhabitue à tacler, à se relever, à frapper, à prendre des impulsions. Puis, nous travaillerons les actions spécifiques aux milieux de terrain, les passes longues, contrôler son ballon, se retourner. Il a un potentiel qu’il s’agit de réveiller à nouveau. » Le chemin est encore long.
Les épreuves à venir
8. Retrouver son niveau de jeu
« Le premier objectif que j’ai en tête, désormais, c’est de rejouer. Il faut que je travaille pour parvenir à retrouver toutes mes sensations. » Si Christophe Walter a eu le plaisir de retoucher le ballon, il lui reste évidemment à regagner le niveau qui était le sien avant sa blessure. « J’ai désormais un vision positive de ma période d’absence, précise-t-il. J’ai passé des moments terribles, j’ai relativisé plein de choses et cela m’a permis de mûrir. Je ne me dis pas, aujourd’hui, que j’ai perdu 2 années. » Pour qu’il redevienne celui qu’il a été, cela passe par les entraînements mais aussi les matches en équipe de CFA. Il en fera sans doute un bon nombre avant de retrouver l’étendue de ses possibilités.
9. Changer les regards extérieurs
« Je ne veux plus qu’on me considère comme un blessé. J’ai envie de prouver que je suis encore capable de jouer au foot. » Dans un sport où les carrières se font et se défont parfois à vitesse grand V, on oublie aussi vite les blessés qu’on colle des étiquettes. Absent depuis deux ans, Walter a celle du convalescent qui lui colle à la peau. Il doit réaffirmer sa condition de footballeur professionnel. D’autant que son contrat au FC Metz arrive à expiration. « Francis De Taddeo m’a conseillé de ne pas brûler les étapes, que le plus important était ma santé. Je ne me focalise pas là-dessus. »
10. Faire partie du groupe
Il reste trois mois avant la fin de la saison. Walter a en tête un objectif à atteindre d’ici le coup de sifflet final de cette saison 2006/2007. « Désormais, je pense au 25 mai (ndlr : le dernier match de la saison face à Gueugnon). J’aimerais participer à cette remontée. Être dans le groupe pro au moins une fois serait pour moi la plus belle des récompenses. Mais pour jouer au sein de cette équipe, c’est très difficile, il faut le mériter. » S’il y parvient, cela restera sans doute anodin pour bon nombre d’observateurs. Mais cela voudra dire que Walter aura passé avec succès ses dix travaux…